On m’a jeté tant de pierres,Que plus aucune ne m’effraie,Le piège s’est fait haute tour,Haute parmi les hautes tours.Je remercie ceux qui l’ont construite,Qu’ils cessent de s’inquiéter, de s’attrister.De tous les côtés je vois l’aube plus tôt.Et le dernier rayon du soleil triomphe ici.Souvent dans les fenêtres de mes chambresEntrent les vents des mers du nord,Et le pigeon mange dans mes mains du grain…Cette page que je n’ai pas finie,La main brune de la Muse,Divinement calme et légère,Y inscrira le dernier mot.1914|||Les uns échangent des caresses de regards,Les autres boivent jusqu’aux premières lueurs,Mais moi, toute la nuit, je négocieAvec ma conscience indomptable.Je dis : « Je porte ton fardeau,Et il est lourd, tu sais depuis combien d’années. »Mais pour elle le temps n’existe pas,Et pour elle il n’est pas d’espace dans le monde.Voici revenu le sombre soir du carnaval,Le parc maléfique, la course lente du cheval,Le vent chargé de bonheur et de gaieté,Qui s’abat sur moi des pentes du ciel.Au-dessus de moi , un témoin tranquilleMontre sa double corne… Oh, m’en aller,Par la vieille porte du Pavillon chinois,Là où l’on voit des cygnes et de l’eau morte .1936LeningradAnna AKHMATOVA, Quelqu’un plus tard se souviendra de nous, nrf Gallimard, 2010, p. 125 et 127
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